Bonjour à tous !
En l’honneur de la journée mondiale du livre et du droit d’auteur, des auteurs du discord (de la librairie et d’ailleurs) se sont mobilisés pour vous proposer une courte nouvelle sur… le rêve d’une jeune pousse !
Il était une fois un pot de fleur posé sur une terrasse chauffée doucement par le soleil. Tout était calme et reposant, mais un jour, une jeune pousse décida de parcourir le monde. Cette minuscule étendue de terre ne lui suffisait plus.
D’où venait-elle ? Pourquoi était-elle là ?
Après tout, elle aurait pu être plantée n’importe où ailleurs. Mais elle avait l’intime conviction qu’ici ou là-bas, cela n’aurait rien changé. Elle voulait découvrir de nouvelles étendues, voir si l’herbe était plus verte ailleurs et elle était prête à tout pour y parvenir. Elle rassembla ses feuilles, ses racines et ses pétales et ça y est, elle était prête à conquérir l’univers.
Toutefois, elle se heurta vite à un problème de taille : ladite terrasse était dotée d’une véranda, et la jeune pousse se demanda comment franchir cet obstacle afin d’accéder enfin au grand air et à la liberté.
Elle décida alors de patienter. Quelqu’un viendrait lui ouvrir la voie. Elle savait que des êtres immenses et bienveillants entraient parfois dans cette véranda. Lorsqu’ils se trouvaient là, l’air frais du monde extérieur venait chatouiller les feuilles de la jeune pousse. Cela signifiait qu’en leur présence, elle pourrait se frayer un chemin vers la liberté. Il lui suffisait d’attendre.
Elle dut prendre son mal en patience, car il lui sembla attendre une éternité. Enfin, l’une de ces créatures se glissa dans la véranda. L’excitation était à son paroxysme, la jeune pousse était sur le qui-vive. Alors qu’elle s’apprêtait à se dresser sur ses racines, parée pour l’aventure de sa vie, elle sentit une chose étrange s’enrouler autour de sa tige.
Des racines ! Elle tira de toutes ses forces, mais sa tige était coincée. Comment se tirer de là ? Déjà, l’être gigantesque arrosait copieusement les pots autours. Elle tira encore, rien. Soudain, une gerbe d’eau s’abattit sur elle. Le poids du liquide fit plier ses feuilles et lubrifia sa tige qui parvint enfin à se dégager. Elle se rua vers la sortie.
Enfin, par “sortie”, elle visait surtout la drôle de petite trappe que venait d’emprunter le quadrupède poilu et miaulant quelques minutes auparavant. Si cette créature pouvait entrer par ce moyen, elle pouvait s’en servir pour gagner l’air libre, non ? Ni une, ni deux, la voilà en route pour la mystérieuse trappe. Elle mobilisa tous ses pétales et poussa de toutes ses forces contre le battant.
Malheureusement, ses frêles petites feuilles ne firent pas le poids. Le sort s’acharnait, à croire que l’on voulait absolument l’empêcher de sortir ! Elle commençait à se demander si son envie d’aventure était vraiment une bonne idée, quand le curieux visiteur revint dans sa direction. C’est alors qu’elle eut une idée !
Sans réfléchir, elle sauta sur le visiteur, comme le font ces commères de mauvaises herbes. Elle les avait déjà vues à l’œuvre pour se déplacer sur les créatures poilues. L’atterrissage fut compliqué, déjà parce qu’une texture étrange la grattait, ensuite parce qu’elle avait le mal de… chat ? Mais rapidement, elle perdit le fil de ses pensées et fut frappée par ce qu’elle vit.
Le monde extérieur. Elle sentit l’air frais remuer ses feuilles. La vive lumière réchauffa ses racines. Les mouvements et les couleurs vives l’émerveillèrent. Tout semblait immense, infini. Par où allait-elle commencer ?
Elle se mit à explorer les environs, à zigzaguer entre les brins d’herbe, puis arriva sur une surface plus dure, toute grise et hostile pour ses petites feuilles. Des engins sur roues la frôlèrent en passant à toute vitesse. Dans quel enfer avait-elle mis ses petits pieds de jeune pousse ?
Elle poursuivit sa fuite en avant. Des gaz l’attaquèrent. Le sol devint blanc et glissant. Il fallait continuer. Rester ici signifiait la mort. Un engin surgit sur sa droite, mais la jeune pousse buta sur un gravier. L’engin se rapprochait rapidement. Le bruit devint assourdissant et la plante fut percutée de plein fouet.
Sous la force du choc, l’une de ses racines s’arracha et le souffle la propulsa au loin. Après plusieurs cabrioles, elle s’immobilisa enfin. Le sol était souple et doux, l’air chargé d’humidité salvatrice.
Elle enfouit lentement ses racines dans le sol comme les géants de chair le faisaient dans leurs chaussons. Elle avait enfin trouvé sa nouvelle maison en plein air. Elle pouvait grandir.
Auteurs : Ingrid Lombart • Lucie G. Coste • Maryjoce Amoris • Jérémy Haim • Lou Ledrut